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2 septembre 2013

Diagnostic d’inspection et tableau de peintre.


Le regard porté sur un malade est un temps important de l'examen clinique du médecin. Cette inspection peut être orientée par l'interrogatoire du médecin ou être systématique ou ordonnée.
L'analyse visuelle d'un portrait procède en peinture des mêmes intentions celles d'analyser et de décrire ce que l'on voit. Elle n'est pas orientée mais doit être systématique et attentive. Portrait et autoportrait donnent l'image du modèle qui est peint, la vision du peintre. Dans son exécution il reproduit fidèlement les caractéristiques et détails de son modèle, même si, il n'en connait pas la signification. L'esprit du peintre  va parfois au delà des connaissances de l'époque attirant l'attention sur un élément qui prendra longtemps après une signification médicale apportée par les avancées de la médecine.
Dans l'analyse d'un tableau de peintre, le médecin de son côté, peut voir des éléments auxquels il peut éventuellement donner une signification pathologique. Un exemple parmi d'autres nous est donné par le peintre Hollandais Marinus van Reymerwaele dont le personnage "Saint Jérôme méditant sur la mort" présente une anomalie temporale gauche évocatrice d'une artérite temporale ou
maladie de Horton.
 

Saint Jérôme méditant sur la mort - de Marinus van Reymerswaele; Musée de Douai
En habit rouge le cardinal Saint Jérôme est assis à une table, montrant un crâne qui illustre ses méditations sur la vanité de la vie. Sur le lutrin un ouvrage est ouvert à une page montrant le Jugement dernier qui fait allusion à ses méditations sur la fin de l'existence terrestre. La partie haute de son front à gauche laisse apparaître une image linéaire,sinueuse, vermiforme, sagittale. Cette image linéaire rouge que l'on imagine chaude et sensible, se trouve sur le trajet d'une artère palpable et habituellement peu visible : l'artère temporale. Elle est la représentation de ce que le peintre a vu un élément induré sous cutané dont il ignorait l'origine. Pour le médecin sa représentation est suffisamment claire pour dire, selon toute vraisemblance, qu'il s'agit d'une artérite temporale. Bien sûr nous ne savons pas si ce moine qui vivait au Ve siècle était porteur de l'affection non encore exactement identifiée, bien que décrite plusieurs siècles auparavant par Ali Ibn Issa de Bagdad qui décrivait en outre l'association de la maladie avec une cécité. Ce n'est que, vers la fin du XIXe siècle que la description clinique en a été faite.
                                     

La maladie de Horton est une maladie artérielle (vascularite) inflammatoire, donc douloureuse, atteignant avec prédilection l'artère  temporale. Son diagnostic est évoqué en présence de céphalées, dans le cadre d'une atteinte de l'état général chez un sujet de plus de cinquante ans et dont l'artère qui ne bat pas ou peu, est dure au palper. L'inflammation est reconnue, au laboratoire, par une forte augmentation de la vitesse de sédimentation des hématies, signe biologique très évocateur de la maladie. La confirmation est donnée par l'examen d'une biopsie qui doit montrer des lésions avec des infiltrats lymphocytaires ou à polynucléaires et présence ou non de cellules géantes. 
Saint Jérôme du Caravage (détail)
Le peintre hollandais Marinus van Reymerwaele était célèbre pour sa faculté de peindre avec un soucis du détail, ce qui intéresse le médecin d’aujourd’hui. Un souci du détail qui était constant dans son œuvre. En effet, ce peintre hollandais n'avait pas diversifié ses thèmes en peinture, trois ou un peu plus, semble t-il, mais chacun d'eux était traité plusieurs fois. C'était notamment le cas pour Saint Jérôme méditant à côté de deux autres thèmes le Collecteur d'impôts ou le Banquier. Pour ce qui concerne le tableau décrit il existe en effet plusieurs versions dont celles des Musée du Prado et de Douai présentant la même anomalie temporale. On peut voir dans le "Saint Jérôme" de Michelangelo Merisi dit le Caravage (Rome, galerie Borghèse) une boursoufflure temporale gauche confirmant que le moine était bien porteur d'une artérite temporale.
                                                          
                                                        


Le chanoine van der Paele de Jan van Eyck (détail)
L'art pictural offre d'autres cas d’artérite temporale. La "Vierge du chanoine van der Paele" au Musée de Bruges, œuvre de Jan van Eyck. Exécutée en 1436 par le maître flamand, elle témoigne de l'artérite temporale dont souffrait l'ecclésiastique. Des signes visibles de cette maladie sont également visibles dans le "portrait de Francisco Gambetti" peint par Piero di Cosimo en 1505.
   



portrait de Francisco Gambetti" peint par Piero di Cosimo en 1505

Pour cet article ont été consulté les articles médicaux suivants : 


APPELBOOM T.: Les affections rhumatismales dans l’art et dans l’histoire.  Malherbe Ed., Bruxelles 1988.
HORTON BT., MAGATH TB., BROWN GE.: An undescribed form of arteritis  of the temporal vessels. Mayo Clin.Proc., 1932; 7: 1.
HUMBEL RL : Histoire des vascularites. Société des Sciences Médicales du Grand-Duché de Luxembourg Bul. 03/2005.



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