Partie 2 : Discussions sur des thèmes généraux.
Au café Guerbois les discussions sur la peinture étaient fréquemment entrecoupées par des questions d’ordre général concernant par exemple la Modernité ou l’avenir de la peinture face à l’utilisation de la Photographie. Cette dernière était un problème essentiel de discussion, car par son essence même, elle venait empiéter sur le terrain de l’Impressionnisme encore en gestation menaçant son essor. En effet, les futurs impressionnistes, comme les peintes de Barbizon, ne juraient que par la volonté de rester fidèle à leur première impression face à la nature or il leur paraissait difficile de faire mieux que la photographie pour la capture de l’instantané. La menace de voir ce média entrer dans le domaine de l’art était toute proche. Quand bien même Charles Baudelaire avait écrit, qu’elle était :
« Le refuge des peintres peu doués et manqués ».
Déjà des peintres et non des moindres (Ingres, Corot, Courbet et autres), s’étaient initiés, en cachette, confession de Félix Nadar qui fréquentait lui-même le Café Guerbois. Il fallait écarter la menace de la photographie. La Gravure moderne, reproduisant en série des tableaux qui pouvaient secondairement être inclus dans des magazines, allait être la voie de recours. Ce média avait pour promoteur Félix Bracquemond (figure 1).
Le critique d’art Burty confirmait le tournant pris alors par les futurs impressionnistes (figure 2) qui comme Camille Pissarro, amateur de tout ce qui était graphisme, avait adopté la pratique de la gravure :
« La génération nouvelle [ ] a compris tout ce que ce moyen offrait de ressources pour la traduction rapide et suffisante de la pensée et du sentiment. »
Parallèlement à cette ouverture vers la gravure, Félix Bracquemond vantait au café Guerbois un nouveau genre qu’il venait de découvrir, les Estampes japonaises. Elles étaient apparues officiellement en 1867 lors de l’Exposition universelle et avaient été découvertes par hasard dans un journal enveloppant de la porcelaine venant de Chine expédiée par le couple De Soye, qui venait d’ouvrir un magasin « la Porte Chinoise » rue de Rivoli à Paris. Dans ce magasin se précipitèrent nombre d’artistes. Claude Monet et Eugène Degas ainsi que les frères Goncourt les premiers attiraient par cette nouveauté picturale. Dès lors, à Guerbois, il n’était question que de collections d’estampes japonaises ou d’imitation de ce nouveau genre pictural. Claude Monet plus que tout autre, était de la partie. Sa collection d’estampes japonaises après avoir ornés les murs de sa maison à Giverny, est actuellement visible
au Musée Marmottan-Monet) Par ailleurs il devait s’inscrire parmi les rares peintres qui osèrent imiter le genre et cela nous a valu d’avoir la création du pont japonais à Giverny (figures 4 et 5)
fig 4 et 5 à gauche l’œuvre d’Hiroshige ; à droite l'œuvre de Monet
inspiré de celui d’ Hiroshige. Edgar Degas, lui aussi appréciait les estampes japonaises, notamment leur style graphique, la ligne simple, la délicatesse des images et surtout l’habitude prise de décentré le sujet principal, ce qu’il a adroitement utilisé dans ses toiles de danseuses et de chevaux et bien d’(figure 6 et 5)
Au total toutes ces discussions au Café Guerbois n’ont pas été vaines puisqu’elles ont servi non seulement à rapprocher les peintres
entre eux, mais aussi de se regrouper dans une association dans le but d’exposer librement leurs œuvres en dehors du Salon officiel (figure 7) avec le but de faire connaître leurs œuvres du public, les vendre et donc de pouvoir vivre sainement, ce qui sera rarement le cas.
Ces rencontres ont surtout servies à préciser et définir (voir encadré)
[ Composer son tableau, non dans l’atelier, mais sur place, en présence du sujet ; se débarrasser de toute convention ; se mettre en face de la nature et l’interpréter sincèrement, brutalement, sans se préoccuper de la manière officielle de voir ; traduire scrupuleusement l’impression, la sensation toute crue, toute étrange quelle puisse paraître ; présenter l’être vivant de geste et d’attitude, remuant dans l’atmosphère et la lumière fugitives et toujours changeantes ; tel est l’idéal de la nouvelle école.]
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