Translate

Rechercher dans ce blog

17 juin 2024

Le suicide de van Gogh (suite)

 

 

 Article 2

                               La Maladie de Vincent van Gogh

  

Cet article cherche à faire oublier la notion de  « la folie de van Gogh » tout en ressuscitant et affirmant le diagnostic de « l’épilepsie »  suspectée   par les médecins traitants d’Arles et de Saint Rémy de Provence. Il leur manquait des acquis nouveaux pour affirmer et préciser nature et siège de cette épilepsie.

 1)    Le diagnostic des médecins premiers médecins traitants

   Délaissant les diagnostics égarés, fantaisistes et autres, produits par plus de  cinquante médecins, nous retiendrons, celui de l’épilepsie mentionnée par les deux médecins traitants les docteurs Félix Rey et Auguste Peyron :

« Sorte d’épilepsie caractérisée par des hallucinations  et des épisodes d’agitation confusionnelle dont les crises étaient favorisées par des excès alcooliques. »  Dr Rey

«… J’estime en conséquence de tout ce qui précède que van Gogh est sujet à des attaques d'épilepsie fort éloignées les unes des autres  » Dr Peyron.

B   2)    Vers la précision de l’épilepsie de Vincent van Gogh

                 

1 -Forme généralisée

            En son temps, Hippocrate avait décrit ce qui était connu de la maladie à savoir la crise épileptique. Elle débutait par un cri, le malade  perdait  connaissance,  chutait brutalement,  son corps se raidissait entrecoupé de convulsions, puis il sortait lentement d’une  torpeur amnésique. La crise était parfois associée à des troubles psychiques.

Tous les éléments de cette crise ordinaire ont été signalés chez Vincent par les médecins traitants sauf les convulsions décrites par lui-même. Van Gogh connaissait parfaitement les signes de la crise épileptique pour en avoir lu la description chez l’écrivain Russe Dostoïevski atteint de la même maladie. Par ailleurs les « troubles psychiques » signalés initialement comme parfois associés à la crise, ont été dès 1940 dissociés par le professeur Mairet titulaire de la chaire des Maladies mentales et nerveuses, (ancien Maître du Docteur Rey) et dont un article sur le sujet était paru en 1889 dans la Revue de Médecine comme étant une forme clinique à part «l’épilepsie psychique ». 

La crise épileptique, dite ordinaire, est la forme généralisée  de la maladie épileptique. Si elle caractérise la maladie au point de l’identifier en sa présence, elle ne résume pas toute la maladie qui comprend aussi des formes larvées : dites partielles quand la symptomatologie est incomplète au regard de la forme généralisée ou localisées quand la symptomatologie indique une zone cérébrale précise.

                  2 - Formes larvées

En 1860 les travaux de Benedikt Karl Morel introduisaient la notion d’épilepsie larvée.

« Sous la dénomination d'épilepsie larvée, j'ai décrit une forme d'épilepsie qui ne se manifeste pas au travers de véritables attaques, ni grandes ni petites, mais bien par tous les autres signes qui accompagnent ou précèdent les crises qui caractérisent l'épilepsie ordinaire, »

Beaucoup plus tard J. Aussoleil (élève de J Rey) dans sa thèse de Docteur en  Médecine soutenue en 1890 à Montpelier s’était également intéressé à cette  forme de l’épilepsie :

« crises dramatiques mais sans (convulsions) pendant lesquelles  le malade étranger à lui-même  (absence) ne maîtrisait plus ses pensées ses faits ni ses gestes ».

La description de Morel, faite chez des malades hospitalisés,  se complétait pour les ambulatoires par d’autres manifestations : des accès de fureur soudains et immotivés (Vincent jette un verre d’absinthe au visage de Paul Gauguin) ; une fréquente irritabilité (une des causes de la mésentente entre van Gogh et Gauguin dans le projet d’un Atelier du Midi) ;  des amnésies (au lendemain de l’épisode de l’absinthe jetée au visage de Gauguin il n’avait pas conscience de ce geste); enfin et surtout  des hallucinations sensorielles auditives et visuelles très souvent ressenties par van Gogh.

Henri Gastaut neurologue à Marseille  reprenait et précisait le descriptif de Karl Morel. Il mentionnait des données d’une grande importance tant elles évoquaient le cas de van Gogh. Des bouffées de rage habituellement contenues et suivies de remords (ainsi après le départ de Gauguin, l’amnésie de Vincent ayant disparue, il écrivait à son camarade pour lui faire part de ses regrets. Il en parle également au docteur Peyron). Dans son étude le professeur Gastaut notait aussi que chez des malades ambulatoires auto-agressions et suicide étaient plus fréquents que l’hétéro-agression. Ceci nous ramène à l’épisode de l’oreille coupée mais également au suicide sur lequel nous reviendrons.

              Les travaux de Morel et Aussoleil, prenaient une autre dimension lorsque un demi-siècle plus tard ce qu’ils avaient décrits trouvé une justification dans la classification électro clinique des épilepsies d’Henri Gastaut (voir le tableau) :

  

                             classification des formes cliniques de l'épilepsie
 épilepsies partielles débutantes pouvant s'étendre et de Petit mal passer au Grand mal

La possibilité d’enregistrer, sur un tracé, l’activité d’une zone cérébrale avec un électroencéphalographe (EEG) obtenue  par Hans Berger en 1920 permettait de faire le tri parmi les différentes présentations cliniques de l’épilepsie. Cette classification avait le mérite de faire apparaitre clairement une forme généralisée de la maladie épileptique (grand mal) et des formes larvées dites partielles (petit mal). Les convulsions  symptôme spécifique du Grand mal, non authentifiées chez van Gogh, orientaient le diagnostic vers une forme partielle de la maladie. Par ailleurs le Petit mal épileptique pouvait  cliniquement être affirmé quand il y avait des « absences ». Vincent van Gogh avait une épilepsie partielle, mais laquelle. Sa localisation et la cause d’une souffrance à ce niveau sont-elles connues ?   

C3) Vers un diagnostic lésionnel

Un rappel de l’anatomie du cerveau est indispensable. Notre cerveau est divisé en régions : frontale, pariétale, occipitale et temporale. Chacune d’elle comporte des zones plus petites qui  génèrent des fonctions précises. Ce sont les aires cérébrales. Ces aires  donnent lors d’une stimulation électrique des signes en concordance avec ceux qui apparaissent au départ d’une épilepsie partielle. Ainsi des hallucinations (olfactives, auditives) correspondent à une stimulation temporale supérieure. Or Vincent van Gogh souffrait d’hallucinations sensorielles (visuelles ou auditives) indiquant donc l’existence d’une souffrance temporale supérieure.

« Les visions effrayantes de vos crises, ne sont pas la réalité, mais des hallucinations et vous n’êtes pas responsable des actes commis pendant ces crises. »  

Chez moi observe Vincent  « c’était à la fois la vue et l’ouïe qui était trop sensibles, hallucinations intolérables »

Voilà donc la localisation de la maladie de Vincent connue épilepsie larvée de siège temporal.

Vincent van Gogh avait tous les signes d’une souffrance temporale. Était-t-elle lésionnelle ? En l’absence d’investigations cérébrale spécifiques il est difficile de l’affirmer. La plupart des historiens d’art, retiennent comme possible lésion temporale, la présence d’une dysmorphie craniocérébrale visible sur une photographie montrant nettement une dissymétrie au niveau du menton et qui serait secondaire à une souffrance temporale survenue lors de l’accouchement difficile de la mère. Dans le contexte d’une recherche lésionnelle il faut rappeler ses  antécédents de traumatismes cérébral probables lors des deux chutes d’un arbre.


                                                              Vincent van Gogh 1871
 Littérature consultée

Antonin Artaud : Van Gogh Le suicidé de la société Paris, K éditeur, 1947 ; réédition. Paris, Gallimard, coll. « L'Imaginaire », 1990

Gastaut Henri: La maladie de Vincent van Gogh envisagée à la lumière des conceptions nouvelles sur l'épilepsie psychomotrice. Ann. Méd. Psychol., Paris, 114, 196-238, 1956.

Ingo F. Walter – Rainer Metzger  Vincent Van Gogh – L’œuvre complet -  Peinture – Taschen 2001

Jan Blanc -  Ni Dieu ni Maître – Citadelles & Mazenod 2017

K. Jaspers Strindberg et Van Gogh. Swedenborg-Hölderlin. Etude psychiatrique comparative. Les Editions de Minuit, 1993.

Martin H.A. La Maladie de van Gogh - le mystère d'une fin tragique 1994 - Buchet/Chastel.

Murphy Bernadette. L’oreille de Van Gogh – Rapport d’enquête – traduit de l’anglais par Catherine Le Bœuf – Actes Sud 2017

Penfield (W) et Jasper (H) Epilepsy and fonctional anatomy of the human brain. (1 vol, 986 p) Boston, 1954 Little edition.

Rewald John. Histoire de l’Impressionnisme – Nouvelle édition entièrement refondue revue et augmentée – Edition Albin Michel Pais 1986

Steven Naifeh et Gregory White Smith : Van Gogh the life Flammarion, 1994

 

25 mai 2024

Le Suicide de Vincent van Gogh

 Avertissement

             


                    Ce premier article (il y en aura trois)  se penche sur le « Suicide » de Vincent van Gogh, un acte qui consiste délibérément à se donner la mort, ce qui ne semble  pas avoir été son cas.

Le deuxième article cherchera à faire oublier la notion de  « la folie de van Gogh » tout en ressuscitant et affirmant le diagnostic de « l’épilepsie »  suspectée par les médecins traitants d’Arles et de Saint Rémy de Provence.

Le troisième et dernier article sera celui  d’un rapprochement entre la maladie de Vincent van Gogh et  le suicide dont l’existence généralement admise nécessite des précisions : « suicide secondaire » à la maladie neurologique (épilepsie) associée à une grave mélancolie ou " suicide fataliste".

     Article 1

Pourquoi ? Comment ? Vincent van Gogh s’est-il suicidé ?

Comment s’est-il suicidé ?

Le 25 mai 189O Vincent quitte l’Auberge Arthur Ravoux d’Auvers sur Oise comme il le fait pratiquement tous les jours, muni de son attirail de peinture et se rend dans la campagne environnante derrière le château d’Auvers sur Oise à quelques mètres de l’auberge. A ce moment-là, seul Vincent sait s’il allait se suicider.  Il peint ce que l’on a cru être pendant longtemps son dernier tableau « le champ de blé aux corbeaux – juillet 1890, le ciel est sombre, menaçant, envahi de corbeaux noirs. Devant lui, trois chemins conduisant à la vie, à la mort ou à une impasse. Lequel va-t-il prendre: celui de la vie, celui de la mort ou celui de l’attente. Avant de quitter l’auberge « il aurait » emprunté un revolver au gérant*. Ce jour-là, donc, pour une raison qui nous échappe, il dirige l’arme sur sa poitrine et tire.  Blessé il rejoint l’auberge où le propriétaire s’étonne d’un retour si précoce. Ses gémissements attirent son attention et prévient le docteur Gachet, lequel, à part un bandage sommaire, ne peut faire grand-chose. La balle qui  a pénétré le thorax à proximité du mamelon gauche n’a pas atteint le cœur et se serait dirigée vers l’abdomen (selon le Dr Gachet premier témoin après l’aubergiste). Vincent Van Gogh meurt deux jours plus tard, à l'âge de 37 ans avec à son chevet son frère Théo et le docteur Gachet, La mort serait secondaire à une hémorragie interne (probable) plus compatible avec une blessure abdominale que cardiaque compte tenu d’un temps trop long entre la blessure et la mort.

* A ce sujet il est par ailleurs écrit qu'il avait acheté le révolver chez l'armurier Mr Leboeuf .

 Pourquoi s’est-il suicidé ?

Durant toute sa vie van Gogh a eu à faire face à des évènements qui ont progressivement fragilisé sa santé mentale. Très jeune il a appris l’existence d’un frère né jour pour jour un an avant lui et se nommant également Vincent, mort prématurément, et dont il voit le nom sur la tombe devant laquelle il passe tous les jours en se rendant à son école. Lors de sa scolarisation par deux fois il a été renvoyé en raison de troubles caractériels incompatibles avec son maintien dans une classe. Dans ses antécédents, on note la notion de traumatisme crânien (chute d’un arbre).

Arrivé à l’âge adulte il connaîtra de nombreuses déceptions amoureuses. Plusieurs échecs notamment un échec lors de l’évangélisation dans le milieu pauvre du Borinage en Belgique, comme Pasteur à l’image de son père où son comportement (se montrant plus pauvre que les pauvres) a conduit à son renvoi. Par ailleurs, comme pour la plupart des peintres du XIXe sa vie a été périlleuse en raison d’un manque d’argent. Sa santé mentale fut encore affecté par :

L’échec de la création d’un « Atelier du Midi » conséquence de l’incompatibilité des deux acteurs lui et Paul Gauguin.

Et surtout la nouvelle brutale, annoncée par son frère Théo,  son mariage  et dans un avenir proche une paternité.  Vincent est alors conscient que l’argent que lui donnait jusqu’ici son frère Théo pour vivre allait devenir la propriété du futur neveu. Les ennuis financiers pérennes allaient donc s’aggraver.

         Lors d’un voyage à Paris chez son frère où il se rendait pour mieux faire connaissance de sa belle-sœur, on ne sait trop pourquoi (semble-t-il un différend avec Théo à propos d’encadrements), Vincent brutalement claque la porte et rejoint Auvers sur Oise.

         Et pour clore cette longue liste  concernant sa fragilisation psychique Vincent van Gogh avait une  consommation exagérée d’absinthe (épileptogène), qui ne pouvait qu’aggraver son comportement mental.

Au total une accumulation de facteurs et un avenir assombri avaient probablement poussé Vincent à un suicide fataliste (et non délibéré) tel qu’on peut le voir chez des sujets  face à un avenir fermé ou d’une passion qu’ils ne pourront poursuivre pour des raisons personnelles ou conjoncturelles. C’était le cas  de Vincent van Gogh.

S’est-il suicidé ?

Si la mort de Vincent est certaine les circonstances qui y ont conduit ne le sont pas.

         l’hypothèse officielle, est celle du suicide validée par l’état de santé mentale de Vincent révélé par des crises, dites initialement psychotiques, survenues lors de la période d’Arles et qui avaient nécessité un séjour dans l’hôpital psychiatrique de Saint Paul de Mausole à Saint Rémy de Provence. Cependant la version officielle n’a pas tenu compte d’une remarque concernant le trajet de la balle oblique en direction de l’abdomen alors que ce trajet aurait dû être horizontal pour un tir de revolver à bout portant et supposé atteindre le cœur.

         A la version officielle s’ajoutent deux autres hypothèses : un accident, ou une automutilation.

L’accident

         En 2011 une nouvelle hypothèse sur les circonstances de la mort de Vincent van Gogh est apportée par deux journalistes américains Steven Naifeh et Gregory White Smith dans un ouvrage biographique sur van Gogh. Le peintre aurait été victime d’une balle tirée par les frères Gaston et René Secrétan deux adolescents que Vincent fréquentait à Auvers sur Oise alors qu’ils jouaient à un jeu de cowboy. Par ailleurs il ressort d’une enquête et des recherches faites sur place à Auvers sur Oise par John Rewald en 1930 que Vincent avait été le soufre douleurs de ces deux garçons : (serpent mis dans sa boîte de peinture, sel dans son café, piment sur les pinceaux). De plus et selon la déclaration d’Adeline Ravoux, la fille du propriétaire de l’auberge, qui avait assisté aux derniers instants de la vie de Vincent, en réponse à la question des policiers « Vous êtes-vous suicidé » Vincent aurait répondu « Je le crois, n’accusez personne d’autre » sous entendant par-là que quelqu’un d’autre pouvait être responsable et qu’il voulait le ou les protéger. Ajoutons que René Secrétan n’a jamais reconnu les faits.

 L’automutilation

         Un journaliste Pierre Cabanne dans un ouvrage intitulé « Qui a tué van Gogh » attribue le geste de Vincent à une automutilation soutenu dans cette hypothèse par des antécédents

En 1881 van Gogh est à Etten. Il fait la connaissance de Kee Vos, fille du pasteur Stricker, veuve et mère d’un enfant. Il tombe rapidement amoureux mais la jeune femme l’éconduit. Retournée à Amsterdam elle est harcelée par les lettres de Vincent qui part la rejoindre. Devant le refus de  son père de lui laisser voir Kee, Vincent voulant  prouver la force de ses sentiments  maintien sa main au-dessus de la flamme d’une lampe à pétrole. Sans résultat. Sans connaitre l’importance de la brulure, il faut bien admettre qu’il y a eu une tentative  automutilation.

Le 24 décembre 1889, après une violente discussion (Gauguin venait de lui annoncer son départ) van Gogh jette à la tête de Gauguin  son verre d’absinthe. Le lendemain il ne se souviendra plus de rien (amnésie) mais Gauguin rentre à Paris. Le lendemain,  Vincent se tranche le lobe de l’oreille droite et l’apporte pour la petite histoire à Rachel pensionnaire d’une maison de tolérance. Le Forum Républicain rapportera l’incident comme un fait divers n’étant pas au courant de la personnalité des deux protagonistes. L’automutilation est cette fois évidente puisque visible et ayant nécessité son transport à l’Hôpital.

En considérant ces deux actes, on peut considérer le tir d’une balle dans la poitrine comme une automutilation

Le prochain article justifiera que l’on se soit attardé sur ce comportement car une possible automutilation est décrite dans la maladie clairement identifiée chez van Gogh.