Ce n'était pas la première fois que Frida Kahlo manifestait sa gratitude pour le médecin qui l'avait soignée. Elle l'avait déjà fait pour son ami le Docteur Eloesser dont elle avait réalisé un portrait dans lequel ne se dégageaient aucune émotion ni sentiment de reconnaissance. Pour lui à nouveau elle réalisa l'Autoporttrait au Dr Eloesser (article 27) qui, à l'opposé, témoignait tant par sa présence, qu’elle voulait radieuse, que par l’inscription au bas du tableau, son amitié et ses remerciements pour celui qui lui avait sauvé la vie.
Il est une autre dédicace considérée comme un ex-voto que Frida adressa les dernières années de sa vie au Docteur Juan Karill. Un autoportrait de toute importance, car ce fut le tout dernier qu'elle ait signé. De même son nom figure sur son tout dernier tableau : une nature morte Vive la vie.
Vive la vie 1954-55 |
Elle devait subir sept opérations, soutenue moralement par sa sœur Cristina qui la coiffait et la maquillait entre chaque opération. Des amis étaient autorisés à venir la voir. De temps en temps le personnel lui confisquait son matériel de peinture, alors elle dessinait sur son plâtre ou son corset avec ce qu’elle avait sous la main : tube de rouge à lèvres, bleu de méthylène, de l’iode etc. Quand on lui restituait son matériel, elle se remettait à peindre, jusqu’à cinq heures par jour, couchée sur le dos, utilisant son chevalet spécial.
Sortie de l’hôpital elle revenait à Coyoacán où elle se déplaçait dorénavant en fauteuil roulant. A peine rentrée chez elle, elle se remettait à peindre et commençait par l’Autoportrait au Dr Farill qu’elle comptait lui offrir en redevance des soins qu’il lui avait prodigués.
Autoportrait avec le Dr Farill 1951
Dans cet autoportrait Frida Kahlo est dans un
fauteuil roulant devant le portrait de son médecin placé sur un chevalet. Il ne
s’agit pas comme on pourrait le penser "d’un Portrait dans le Portrait",
mais d’une mise en scène pour l’offrande qu’elle proposait à celui qu’elle
considérait comme son sauveur. Le Docteur Farill était intervenu pour calmer
ses douleurs intenses et plus encore pour la sortir d’une profonde dépression.
La position du portrait du Docteur Farill sur le chevalet lui donne la place du
saint que l’on remercie dans les ex-voto, l’autoportrait de Frida prenant alors
la place de la victime sauvée. Tout l’être malade et souffrant de Frida est ici
résumé : munie de pinceaux qui suggèrent des instruments chirurgicaux elle
peint avec son sang et se sert de son cœur comme d’une palette.
Il n'était
pas nouveau, dans l'histoire de l'art, qu'un peintre malade dédie une toile à
son médecin. L'exemple de Frida s'ajoute à d'autres. Avant elle il y avait eu
Francisco Goya avec Goya Assisté par le Dr Arrieta et après elle Vincent van Gogh Portrait
du Dr Gachet.
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