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13 novembre 2013

Paul Scarron et la spondylarthrite ankylosante

L'art pictural offre parfois des surprises au médecin. C'est notamment le cas quand il découvre par le simple biais d'un diagnostic d'inspection, une maladie. Un portrait du poète Paul Scarron nous montre que cela existe.
Ce portrait réalisé par un anonyme montre dans la partie supérieure du dos une importante convexité  qui le rendait bossu. Sa tête déjetée en avant et à droite   au point de paraître posée sur le thorax ; il ne peut la relever. Le profil de trois quart, laisse deviner la partie  concave du dos sous jacente à la « bosse ». L’homme est souriant, de bonne humeur ce qui contraste avec les rides profondes du visage, marques indélébiles des nombreuses heures de souffrance occasionnées par sa maladie. C’est un portrait de buste et non de pied, nous privant ainsi de la vision de la région lombosacrée  et de celle des membres inférieurs. Ces détails anatomiques manquants, nous les trouvons grâce à Théophile Gauthier, qui reproduit dans un ouvrage,  une épitre de Scarron, écrite par lui-même et destinée  au lecteur qui ne le connaissait pas physiquement. Il parle de son état passé et de son état présent : 
« Mes jambes et mes cuisses on fait d’abord un angle obtus et puis un angle égal et enfin un aigu ; mes cuisses et mon corps en forme un autre, et ma tête se penchant sur mon estomac, je ne ressemble pas mal à un Z. J’ai le bras raccourci aussi bien que les jambes et les doigts aussi bien que le bas ; enfin je suis un raccourci de la misère humaine ».
                       

Paul Scarron - anonyme
Ce portrait de Scarron et ce qu'il a lui même décrit, nous permettent de donner un nom à la maladie qu'il présentait : La spondylarthrite ankylosante ou pelvispondylite rhumatismale, même s'il a été par ailleurs question de rhumatisme rhumatoïde terme impropre ou de rhumatisme tuberculeux, à une époque où tout rhumatisme n'ayant pas été identifié, était considéré comme d'origine tuberculeuse.

La spondylarthrite ankylosante est une maladie rhumatologique  inflammatoire du bassin (sacro-iliaques) et de la colonne vertébrale dont l’évolution chronique caractéristique se fait vers l’ankylose et des déformations. La maladie débute à partir de 30 ans. Plus facilement identifiée aujourd’hui grâce à la radiologie du squelette et un marqueur biologique (HLA B27), son diagnostic depuis l’antiquité était établi sur un faisceau de signes cliniques au premier rang desquels on notait la présence de douleurs,  une raideur dorsolombaire et des déformations ankylosantes.


Le début de la maladie pour Scarron, nous est donné dans ses écrits :
"quand je songe que j’ai été sain jusqu’à l’âge de vingt sept ans, assez pour avoir bu souvent à l’allemande !"
Dans -Le Typhon- (une de ses œuvres) on trouve un passage où le poète parle, du commencement de son mal : 
« qui le prit dans le temps que la reine accoucha de Louis XIV ». Ce prince naquit en 1638. Scarron avait donc à peu près vingt-huit ans lorsqu’il perdit la santé et devint poète.
On apprend par sa biographie qu'il souffrait sans savoir comment et pourquoi et que cela dura toute sa vie affirmant ainsi le caractère chronique de sa maladie :
« Ce fut quelque temps après son retour de Rome qu’il ressentit les premières douleurs étranges dont il souffrit sans relâche jusqu’à sa mort ». 
Sa maladie était donc douloureuse et il devait souffrir jusqu'au dernier jour. Une vie de misère qui amena Scarron à écrire son propre épitaphe rappelant ses souffrances :

               “Celui qui cy maintenant dort, fit plus de pitié que d’envie, et souffrit mille fois la mort, avant   que de perdre la vie.” 

On sait par ailleurs, qu’un médecin lui administrait de fortes doses de morphine pour le soulager de ses douleurs.


Dans la spondylarthrite ankylosante il est souvent fait état d’une cause déclenchante traumatique ou climatique. Ce fait a bien été noté pour Scarron car si la cause de la maladie n’était pas bien claire  on peu lire dans un récit probablement apocryphe que :

« Scarron aurait eu pendant le carnaval [un bain de minuit], la froideur de l’eau le saisit tellement, qu’il fut pris de rhumatismes qui lui tordirent les membres et le rendirent impotent et perclus. »


Il n'y a pas de doute sur l'importance des déformations que présentait Scarron.
Selon Théophile Gauthier : « Scarron chef de l’école burlesque, était contrefait et bossu comme une figure de Bamboche. Les déviations de ses vers  se répétaient dans les déviations de son épine dorsale et de ses membres ». Les mots de bossu, difforme, goutteux, reviennent régulièrement de même qu’une expression qui est de lui-même « raccourci de la misère humaine ».

Il va de soi que ses douleurs et ses déformations, s'accompagnaient d'impotence fonctionnelle. L'homme était perclus, immobilisé paralysé des jambes, autant de termes qui sillonnent le parcours écrit de sa vie et qui rendent compte de cette maladie qui lui bloquait les jambes, la colonne vertébrale et la nuque (ankylose diffuse). Il devait passer ses journées dans une jatte posée sur une chaise à bras (fauteuil).

Comme toute maladie rhumatismale diffuse sa maladie s'accompagnait d'une atteinte de l'état général que l'on peut concrétiser par l'anecdote selon laquelle Scarron savait qu'il ne pouvait pas procréer :
Un jour Ménage lui disait : « Vous devriez au moins avoir un enfant de votre femme. » Notre paralytique se tourna vers  un sien valet nommé Mangin, homme simple et rustique et lui dit : « Mangin ne ferais-tu pas  un enfant à ma femme, si je te le commandais ? Oui-da monsieur, s'il vous plait et avec la grâce de Dieu ».




2 commentaires:

  1. Bonjour,
    J'ai lu votre analyse et apprécie l'étude. Seule question, les déformations des mains notamment ne pourraient-elles pas évoquer un rhumatisme psoriasique ?
    Cordialement

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