Peintres et Santé

Rosa Bonheur entre dans le club restreint des commandes publiques.

Année après année le nom de Rosa Bonheur devenait familier aux visiteurs du Salon officiel. De son premier Salon en 1841 .à celui de 1847 médailles et premiers prix se succèdent. En 1848 entre l’effondrement de la monarchie de juillet et l’avènement du Second empire, la fragile République ouvrait le Salon à tous sans avis préalable du jury. Une autre innovation voyait le jour : la constitution d’un jury par les peintres eux mêmes et non par une personne désignée par le ministre de tutelle d’où la présence de peintres célèbres, quintessence de l’école romantique, Léon Coignet, Eugène Delacroix, Dominique Ingres, Camille Corot entre autres..

Ce Salon de 1848 fut annoncé par un catalogue dont une page entière était consacrée à la famille Bonheur, Raimond le père de Rosa, Auguste et Isidore les deux frères et Rosa elle-même. Mais, jury et public, malgré la difficulté engendrée par la répétition d’un même nom, identifièrent facilement les toiles de Rosa dont Bœufs et taureaux du Cantal, Moutons au pâturage. Le jury attribua à l’ensemble des œuvres présentées un 1^er prix (il n’y avait pas de médaille d‘or cette année-là) remis par Ledru Rollin membre du gouvernement provisoire ajoutant à cette récompense un Vase de la Manufacture de Sèvres. Les récompenses ne s’arrêtèrent pas là, l’État lui commanda un tableau de bovidés payé 3000 francs.

Pour la réalisation de cette commande, qui sera son premier chef d’œuvre « Le Labourage nivernais » Rosa Bonheur s’installa dans le Nivernais chez un ami de son père Justin Mathieu. C’est en compagnie de son inséparable amie Nathalie Micas qui vivait dorénavant avec elle qu’elle allait peindre sa toile et cela dans des circonstances douloureuses puisque son père venait de mourir des suites du Choléra.

La toile présentée au Salon de 1849 au Palais des Tuileries apparaissait comme un défi de par sa taille 2,6 m x 1,33 m comparé à celle de l’auteur 1,50 m. Ce fut surtout un triomphe, un chant d’amour à la nature, salué et loué par l’ensemble de la critique. 

Bœufs et taureaux du Cantal 1848

La toile représente le « sombrage » premier labour effectué chaque année en automne qui ouvre la terre pour qu’elle soit mieux aérée en hiver. Sous un ciel bleu azur une plaine vallonnée fermée sur le côté par un coteau vert et boisé, deux attelages de bœufs tirent de lourdes charges et retournent un champ dont on voit les sillons de la terre éventrée. La lumière bleue azur du ciel fait ressortir les robes claires des bœufs de l’attelage qui, par contraste avec le vert de la plaine et du coteau donne à ces animaux la mesure de leur puissance et de leur beauté. Il s’agit d’une scène animalière dont les héros, des bœufs charolais, éclipsent par leur taille celle du bouvier. Un hymne du travail, une reconnaissance de la province nivernaise et de ses traditions agricoles.

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L’État préféra garder la toile au musée du Luxembourg. Elle ira au Louvre à la mort de l’artiste pour enfin rejoindre les collections du musée d’Orsay.

Avec cette première toile importante Rosa Bonheur installe sa notoriété. Elle la doit à son travail mais surtout en réalisant l’inversion du rôle du Paysage passé au second plan par rapport aux animaux qui deviennent le sujet. Elle s’était montrée inventive et un peintre moderne.

Le Labourage nivernais obtenait du Président de la République en personne Louis Napoléon Bonaparte un premier prix, récompense suprême pour une peintre femme âgée de 26 ans seulement. Sa carrière était plus que lancée et de la plus belle des manières. C’était pour elle un encouragement à poursuivre. De nouvelles récompenses qui ne se feront pas attendre.