Peintres et Santé

Rosa Bonheur et son chef d’œuvre

Le Marché aux chevaux 1852-1855

Le «Labourage nivernais» de Rosa Bonheur présenté et récompensé au Salon de 1849 était suivi trois ans plus tard par la commande faite par Napoléon III d’un nouveau chef d’œuvre «Le Marché aux chevaux» 1852-1855 (Metropolitan Museum of Art New York) une toile encore plus grande 5,07 m x 2,54 m tellement appréciée qu’elle a fait le tour du monde.

Cette toile était l’aboutissement d’une longue préparation. Tout avait commencé par de nombreuses visites dans des lieux où elle pouvait voir et étudier les chevaux: haras, foires à bestiaux, le marché d’Ivry, où elle stationnait deux fois par semaine pendant des heures. Un temps considérable auquel il faut ajouter celui nécessaire à la lecture d’ouvrages d’anatomie, de physiologie et celui passé dans les abattoirs pour la pratique de dissections. Tout ce travail de recherches et d’études conduisit Rosa Bonheur à produire des dizaines d’épreuves et d’esquisses au crayon, à l’huile ou au lavis.

Marché aux chevaux 1852-1855 Metropolitan Museum of Art

Enrichie de cet enseignement visuel et pratique utilisant ses énormes facultés de mémoire, qui lui permettaient de reproduire à des mois d’intervalle n’importe lequel des ses tableaux, elle commença son œuvre Le Marché aux chevaux en 1851 pour la terminer en 1853.

L’enjeu pour Rosa Bonheur était de taille. Elle voulait fixer le mouvement d’une vingtaine de Percherons plus ou moins bien maîtrisés par une équipe d’hommes, les uns à pied, les autres sur une monture, tous, hommes et chevaux entraînés par un souffle invisible leur communiquant force et énergie dans un même élan, rendu visible indirectement par la contraction de la musculature des chevaux et le regard étonné de ceux qui les conduisaient. La toile offre une variation de couleurs mettant en évidence les robes des chevaux, mais aussi laissant deviner le bruissement des feuilles sans que l’on voit les arbres et l’apparition tourmentée de nuages. Ce tableau stigmatise la beauté et la force de la race Percheronne.

L’auteur de ce tableau était une femme lançant un défi au genre masculin et un clin d’œil complice aux jeunes femmes qui revendiquaient depuis 1848, à son exemple, leur émancipation. Parmi ces femmes certaines ont cru reconnaître dans le cavalier en blouse bleue au centre du tableau le visage à moitié dissimulé par la casquette, celui de Rosa Bonheur.