Les
peintres buveurs d’absinthe
(4ème partie - A)
Si l’absinthe était pour
Edward Munch, Adolphe Monticelli, Henri Toulouse Lautrec, Paul Gauguin et Vinent
Van Gogh, un thème en peinture, elle était aussi l’occasion pour eux d’apprécier la boisson. Chez
ces peintres, l’absinthe était un thème vécu et peut être, l’expression de leur
propre expérience. Dans la deuxième moitié du XIXè, de Baudelaire à Verlaine,
de Toulouse-Lautrec à Modigliani, nombreux étaient les écrivains et les
peintres qui recherchaient l'inspiration dans la fréquentation immodérée de la
fée verte. Paul Gauguin et Vinent Van Gogh seront l’objet du volet B du
chapitre –Les peintres buveurs d’absinthe-
Edward
Munch était alcoolique et, à plus d’un égard, sa vie était
semblable à celle de Vincent van Gogh. En effet Munch a temporairement été interné et plusieurs
membres de sa famille emportés par la folie. Tout le monde sait, à tort, que
van Gogh rythme avec folie, on sait moins que plusieurs des membres de la
famille dont Théo et Wilhelmine sa sœur ont été prématurément atteints de folie.
En 1902 lors de la rupture avec sa femme, Munch se sectionne un doigt avec un
revolver, le mimétisme avec le peintre hollandais qui s’est tiré une balle dans
le thorax est à son maximum.
Le buveur, pensif, hébété, absent comme tout buveur chronique d’alcool dans la toile La Taverne (détail) d’Edward Munch 1890, est peut être un autoportrait. Alcoolique reconnu, il n’a cependant semble-il jamais fait allusion à l’absinthe sauf en peinture.
Le buveur, pensif, hébété, absent comme tout buveur chronique d’alcool dans la toile La Taverne (détail) d’Edward Munch 1890, est peut être un autoportrait. Alcoolique reconnu, il n’a cependant semble-il jamais fait allusion à l’absinthe sauf en peinture.
la Taverne (détail) 1890
Quand il traite le sujet, c’est par personne interposée comme dans la toile les Buveurs d’absinthe de 1890. Deux de ses amis ont posé pour cette
toile. Ils montrent sans complaisance l’aveu de la boisson mais c’est peut être
celui de leur ami. Cette toile intitulée Les Buveurs d’absinthe, portait initialement
un autre nom : « Confession » ce
qui donne un crédit à l’aveu indirect de l’intempérance absinthique de Munch.
Adolphe
Monticelli vivait entre Paris et Marseille. Il s’était installé
en Provence après 1870. Marseille
représentait pour Monticelli trois pôles d’attraction. Sa mère qui voulait le
retenir auprès d’elle, une servante qui était sa maîtresse et des camarades
peintres amateurs d’art qu’il retrouvait tous les jours devant un verre
d’absinthe.
Devenu hémiplégique en 1883, la touche de sa peinture se montrait plus
hasardeuse, plus nerveuse et c’est le cas dans sa toile de 1885 « Le Buveur
sous la treille ». Pour
certains cette manière de peindre était due à ses excès d’absinthe et
considéraient cette œuvre comme celle
d’un fou. Si Adolphe Monticelli était réputé absinthique (un portrait de
1884 le montre dans un café en train de consommer une absinthe), on lui avait
en plus reconnu l’existence d’une épilepsie. Tout ceci avait concouru à lui bâtir une légende de folie. Et pourtant
son ami Vincent van Gogh qui doutait de la véracité de cette légende criait
haut et fort:
Le Buveur sous
la treille 1885
Le Buveur sous
la treille 1885
« …Considérant son œuvre, il
ne me parait pas possible qu’un homme énervé par la boisson ait fait cela.
»
Henri Toulouse Lautrec (1864-1901) était de la génération post- impressionniste. Ses maîtres étaient ceux qui avaient montré un goût prononcé pour l’observation humaine (Degas, Manet, Forain). Marqué par sa disgrâce car il était atteint de pycnodysostose Toulouse Lautrec ne se sentait bien que la nuit :
« J’entends toujours le mot de bordel! Et alors ! Il n’y a pas un
endroit où je me sens plus chez moi. »
Client assidu des bars et des maisons closes, il dessinait
des nuits entières les figures pittoresques du lieu. Il buvait beaucoup
d’absinthe. Il en avait pris l’habitude du temps où à Montmartre il était
l’élève de Cormon. Il buvait peu à la fois mais souvent, pour cela il ne se
séparait jamais de sa canne à système. Il avait inventé un cocktail dit « tremblement
de terre » mélange d’absinthe et de cognac. Il servait parfois le « Maiden
Blush » un cocktail qui faisait rougir les filles, composé d’absinthe,
mandarine, bitter, vin rouge et fine champagne! A l’inverse il pouvait recevoir et servir une tasse de lait, une manière
de se moquer de lui-même et des campagnes antialcooliques. On doit à Toulouse
Lautrec deux toiles importantes un portrait de van Gogh, et le Moulin
rouge.
Lautrec a fait ce Portrait de Vincent
van Gogh 1887 au café Le Tambourin. Ils s’étaient connus à l’académie Cormon. Vincent est assis
devant un verre à peine esquissé, le tout traité dans un pastel aux couleurs
douces, mais avec des hachures nerveuses ce qui pourrait traduire la rencontre
« électrique » entre les deux hommes.
Vincent est vu de profil comme Lautrec a l’habitude de le faire. Ce Portrait de
Vincent van Gogh, pastel sur carton est le plus fidèle que l’on ait de van Gogh
dont on ne possède par ailleurs que des autoportraits donc de face. Certains
ont vu dans le personnage passionné de van Gogh un animal aux aguets assis
devant son absinthe. Il semble refermé sur lui-même, à moins que son esprit
ne se soit égaré vers celle qui a été un moment sa maîtresse Agostina Segatori
la propriétaire des lieux. Le peintre Lautrec a su saisir magistralement le
côté psychologique de ce « phénomène van Gogh »
Au Moulin rouge 1892. On y voit ses amis du Moulin-Rouge : un groupe
de personnages se trouvent autour d’une table sur laquelle est posée une absinthe. Parmi ces
figures se détache une chevelure rousse celle d’une danseuse très connue la « Macarona
». A l’arrière plan de la toile on voit Lautrec s’éclipser discrètement avec un
cousin. Un peu en avant d’eux on reconnaît l’artiste la plus connue du Moulin
Rouge « la Goulue » qui se refait une beauté, sous le regard de la chanteuse « Jane
Avril ». Au premier plan la chanteuse May Milton qui semble arborer un masque
sous l’éclairage du gaz de ville.
Au Moulin rouge 1892
De ces deux toiles ne se dégage rien qui ne soit choquant. On a devant
nous des habitués de l’absinthe, tout est paisible, c’est un après-midi ou une
nuit comme les autres.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire